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La justice restaurative à travers le témoignage de Charline Serriere, l'une des coordinatrices de la première mesure à Lille

21/11/2023

Les fondements de la justice restaurative reposent sur les avantages escomptés des rencontres entre les auteurs et victimes d’infractions pénales. Cette approche, complémentaire à la justice pénale, gagne progressivement du terrain en France, et ses impacts positifs sur les justiciables et la société, sont de plus en plus évidents.

 

Dans cette perspective, nous avons le plaisir d’entendre le témoignage de Charline Serriere, technicienne socio – judiciaire au SCJE de Lille et l’une des coordinatrices de la toute première mesure de Justice Restaurative mise en place dans la région lilloise. Charline nous éclaire sur sa conception, son intégration au sein du SCJE, son fonctionnement, et les bénéfices qu’elle apporte. Une plongée instructive dans un domaine en constante évolution.

 

 

Charline, qu’est-ce que la justice restaurative ? En quoi diffère – t – elle du système de justice traditionnelle ? 

 

"La Justice restaurative est un espace de dialogue ouvert à toute personne victime ou auteur d’une infraction, qui souhaite échanger autour des répercussions de l’infraction et de l’avenir, dans un cadre inédit, car volontaire, confidentiel et accompagné d’un tiers indépendamment formé.

Cette approche permet à chaque auteur et à chaque victime de rencontrer directement, ou indirectement, un auteur ou une victime. La justice restaurative fonctionne en complément du système pénal, offrant ainsi un rôle actif aux protagonistes de l’infraction."

 

 

Cette mesure est à la fois gratuite, confidentielle et repose sur le volontariat, vous confirmez ?

 

"En effet, la justice restaurative se caractérise par plusieurs aspects essentiels.

Tout d’abord, elle se distingue par son accès gratuit, soulignant son engagement à offrir une opportunité équitable à tous les participants.

L’un des piliers de ce processus est aussi la reconnaissance des faits par les auteurs, favorisant une prise de responsabilité directe.

Le caractère confidentiel de la démarche permet de créer un environnement propice à l’ouverture et à la communication.

Enfin, la participation à la justice restaurative demeure volontaire, soulignant l’importance accordée au consentement libre des personnes engagées dans ce processus de résolution des conflits."

 

 

Selon vous, quels avantages tirer de la justice restaurative ? 

 

"Le but de la justice restaurative est de s’attaquer au problème de la récidive. Ses avantages résident dans sa capacité à compenser le manque de temps dans le cadre d’une procédure judiciaire, car souvent les victimes ne sont pas entendues ni reconnues, et certaines ont un besoin impératif d’être écoutées.

 

Cette approche permet également à l’auteur et à la victime de se rencontrer mutuellement, offrant ainsi une occasion unique de dialogue, surtout dans les cas où il n’y a pas eu de suites, que ce soit en raison d’un classement sans suite ou de la prescription.

Cette mesure offre à toutes les parties impliquées, la possibilité de participer activement à la reconstruction de leur vie. Elle représente une forme de reconstruction pour la victime, tout en favorisant la responsabilisation et la réinsertion de l’auteur. La justice restaurative facilite également une réelle prise de conscience des actes commis.

 

En tant qu’intervenants, la justice restaurative apporte aussi de nombreux bénéfices. Nous tirons profit d’une expérience nouvelle, à la fois enrichissante sur le plan humain et professionnel."

 

 

Comment as – tu été initié à la justice restaurative et pourquoi as – tu choisi de t’engager dans ce domaine ? 

 

"En 2017, j’ai participé à une semaine d’initiation à la justice restaurative à Lille avec l’ARCA, une association de Tours spécialisée dans ce domaine. A l’issue de la formation, j’ai été véritablement conquise par cette méthode.

Ce qui m’a particulièrement plu dans la justice restaurative, c’est la conviction en ce projet, la véritable lutte contre la récidive, l’engagement de personnes motivées, et le sentiment concret d’œuvrer pour un projet auquel on croit sincèrement."

 

 

Comment cette mesure de justice restaurative a – t – elle était mise en place au SCJE ? 

 

"En 2018, le SPIP de Lille recherchait quelqu’un pour coordonner le Cercle de Soutien et de Responsabilisation (CRS), c’est ainsi que le SCJE est devenu partie prenante du COPIL. Au fil du temps, Madame Laurence Waeterloos, directrice du SPIP de Lille, et moi – même avons collaboré pour mettre en place le premier CRS.

 

Avec Madame Véronique Huart, technicienne socio – judiciaire au SCJE de Douai, nous avons bénéficié d’une formation dispensée par l’IFJR, l’Institut Français de la Justice Restaurative, en parallèle. Il est important de noter que les intervenants ne peuvent agir que dans le cadre des mesures pour lesquelles ils ont été formés, chaque mesure nécessitant une formation spécifique.

 

Ensuite, nous avons dû formaliser une convention pour les cercles de soutien et de responsabilisation, en partenariat avec la Cour d’Appel de Douai, la DISP, la Direction Interrégionale des Services Pénitenciers de Lille, le SPIP du Nord, le SPIP du Pas de Calais, l’URSAVS, l’IFJR et le SCJE.

 

Une fois cette convention signée, nous avons lancé deux campagnes de recrutement pour les bénévoles. A ce jour, 15 volontaires ont été formés, dont 5 ont intégré le premier cercle mis en place en juin 2023, qui se déroule d’ailleurs, de manière positive avec une dynamique de groupe encourageante. La première médiation restaurative quant à elle, a été instauré en avril 2023."

 

 

J’imagine que la mise en place de cette mesure n’a pas était qu’un long fleuve tranquille, avez-vous du faire face à certains défis ?

 

"En effet, la mise en place a été un processus plutôt long, surtout pour les CSR. La signature de la convention a pris du temps en raison de contraintes budgétaires et de difficultés à trouver des locaux appropriés, nécessitant une neutralité particulière. 

Il était également compliqué de trouver un membre principal, car les critères sont particulièrement stricts. Il doit s’agir d’une personne ayant été condamnée, présentant un fort taux de récidive, un isolement prononcé et doit être suivie par le SPIP."

 

 

Concrètement, c’est quoi un cercle de soutien et de responsabilisation ?

 

"Un CRS est une mesure visant à encadrer un auteur d’infraction sexuelle, le membre principal, qui est détenu et en fin de peine, avec un risque élevé de récidive et fortement isolé socialement.  

Notre objectif est de l’accompagner pour prévenir la récidive et favoriser sa réinsertion sociale, et ce, sans la présence de victimes.

Pour cela, des rencontres hebdomadaires ont lieu avec 4 membres de la communauté, des bénévoles formés qui offrent une présence active et bienveillante, formant ainsi un premier cercle. Un second cercle est constitué de divers professionnels des secteurs sanitaire et judiciaire, comprenant un médecin coordinateur, un SPIP et un CMP. Ces deux cercles sont supervisés et mis en lien par un coordinateurs spécialement formé."

 

 

Quel est le processus de mise en place des CRS ?

 

"Tout d’abord, les auteurs sont dirigés vers nous par leur conseiller pénitentiaire d’insertion et de probation, les agents de probation, ou leur contrôleur judiciaire, soit au SCJE soit en cherchant des informations en ligne. De leur côté, les victimes sont orientées par des associations d’aide aux victimes ou par des recherches sur Internet.

 

Une fois le membre principal identifié, en tant que coordinatrice, je travaille en tandem avec Madame Laurence pour mener des entretiens préparatoires. Ils sont fondamentaux et visent à garantir que les participants sont prêts pour cette démarche. Nous étudions leurs attentes et leurs souhaits, et la rencontre a lieu seulement s’ils se sentent prêts. Le nombre d’entretien n’est pas fixé, ils sont adaptés à chaque personne.

 

Durant 1 an, le cercle se réunira toutes les semaines. Il est important de noter que le membre principal et les bénévoles peuvent décider d’arrêter à tout moment, et le cercle peut être reconduit.

 

Tout au long de la mesure, des soutiens psychologiques sont mis en place pour les bénévoles ainsi que pour Madame Laurence Waerterloos et moi-même. Des supervisions régulières sont aussi assurées en collaboration avec l’IFJR."

 

 

N’importe qui peut se porter volontaire en tant que bénévole pour participer aux mesures de justice restaurative ? 

 

"Oui, ils peuvent provenir de divers horizons. Certains de nos bénévoles n’ont même aucune connaissance du système juridique. Ils représentent toutes les classes socio-professionnelles et tous les âges.

 

Pour devenir bénévole, il est nécessaire d’être majeur, volontaire, disponible pendant au moins 6 mois à un an, et de ne pas craindre de travailler avec des personnes accusées de violences sexuelles. L’engagement en tant que bénévole demande aussi des qualités comme l’écoute, la bienveillance et l’absence de jugement.

 

Dans un premier temps, Madame Laurence Waeterloos et moi – même menons plusieurs entretiens avec le bénévole pour comprendre ses motivations, ses limites, son éventuelle expérience de victime, et sa disposition à côtoyer des personnes aux situations particulières.

 

Les bénévoles suivent ensuite une formation de trois jours dispensés par l’Institut Français de la Justice Restaurative (IFJR), ainsi qu’une journée de formation à l’URSAV, l’Unité Régionale de Soins des Auteurs de Violences Sexuelles, afin de les sensibiliser aux enjeux liés à ces auteurs.

Ils bénéficient aussi d’une sensibilisation au système pénal, et une visite en établissement pénitentiaire peut être programmée."

 

 

Y – a – t – ils des projets liés à la justice restaurative que notre association SCJE envisage de mettre en place ?

 

"Prochainement, nous allons rencontrer un nouveau membre principal dans l’objectif de former un second Cercle de Soutien et de Responsabilisation. Nous avons aussi l’intention de lancer des rencontres détenus – victimes ou condamnés victimes. A long terme, notre but est d’étendre le nombre de cercles, de médiations, et ainsi de suite."

 

 

Le SCJE remercie Charline Serriere pour son engagement continu dans ce projet, au sein duquel l’association maintient son investissement. Son implication contribue au succès et à la progression de cette initiative.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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