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En Guadeloupe, le SCJE lance un stage inédit de sensibilisation à l’achat d’actes sexuels

10/10/2025

Le 18 septembre 2025, à Pointe-à-Pitre, cinq hommes prennent place autour d’une table. Ils ont été récemment interpellés pour avoir eu recours à la prostitution et participent à la toute première session de sensibilisation à l’achat d’actes sexuels organisée sur l’île.

 

L’ambiance est à la fois sérieuse et attentive, mais ce qui se joue dépasse largement la simple sanction : c’est une étape inédite dans la manière dont la justice guadeloupéenne aborde la prostitution.

 

« Certains pensaient vivre ce stage comme une punition. Finalement, ce fut une libération de la parole », raconte Audrey Luperon, agent socio-judiciaire au SCJE Guadeloupe, dans une interview accordée à Radio Caraïbes International.

 

Derrière ce moment, se cache un long travail de préparation. Dès la création de l’établissement en 2021, des stages de sensibilisation étaient organisés, mais le constat s’est imposé très vite : Pointe-à-Pitre est un haut lieu de prostitution. Les réalités humaines, sociales et juridiques étaient trop présentes pour être ignorées. L’idée du stage est née de ce besoin de sensibiliser et de responsabiliser les clients tout en ouvrant les yeux sur ce qui se joue réellement.

 

 

Une approche sur-mesure pour le territoire

 

La Guadeloupe a ses spécificités. La prostitution y est visible même en journée et touche une population majoritairement originaire de République dominicaine, Haïti ou d’Amérique latine. Dans ce contexte, les rapports économico-sexuels et la notion de dissociation du corps dans la culture hispanique deviennent des clés pour comprendre la dynamique locale : les personnes prostituées utilisent souvent leur corps pour répondre aux besoins de leur famille ou de leur couple, et non pour elles-mêmes.

 

« Beaucoup ne se rendent pas compte que derrière un acte d’achat, il y a une personne en situation de grande précarité, parfois sans papiers, qui finit par dissocier totalement son corps de son identité », précise Audrey Luperon dans la même interview à Radio Caraïbes International.

 

Cette spécificité a été prise en compte dans le contenu pédagogique, pour tenir compte des réalités sociales et des contextes d’exercice propres à la Guadeloupe.

 

 

Construire le stage : expertise locale et démarches graduelles

 

Avant d’accueillir les premiers stagiaires, il a fallu des mois d’échanges, de terrain et de conviction.

 

Tout a commencé en 2023, dans les bureaux du SCJE de Guadeloupe. Les discussions avec la juridiction de Pointe-à-Pitre jettent les premières bases d’un projet encore flou : créer un stage inédit pour questionner l’achat d’actes sexuels.

 

Peu à peu, l’idée se précise. L’équipe s’appuie sur son expertise de terrain et sur les études menées localement pour mieux comprendre les réalités de la prostitution sur l’île. Elle part ensuite à la rencontre des acteurs du terrain : Gwada Uni-vers, Île y A, Amalgame Humani’s, autant d’associations qui œuvrent auprès des publics marginalisés et des personnes prostituées. Le sociologue Raymond Otto apporte, lui, un éclairage précieux sur les rapports économico-sexuels dans la Caraïbe, tandis que la Croix-Rouge s’implique pour renforcer le suivi des parcours de sortie de la prostitution.

 

De ces rencontres naît une conviction : pour être utile, le stage doit coller au réel, à la vie du territoire.

 

En avril 2023, la signature d’une convention vient officialiser la démarche. Puis, lentement, le projet prend forme. Les premières orientations en mesures alternatives aux poursuites apparaissent entre la fin de l’année 2024 et le début de 2025. Au même moment, une opération de démantèlement d’un haut lieu de la prostitution, menée par la procureure de Pointe-à-Pitre, révèle l’ampleur du phénomène et confirme la nécessité du dispositif.

 

En septembre 2025, après deux ans de préparation, la première session du stage voit enfin le jour, en partenariat avec Madame la Procureure Mme Calbo. Une concrétisation longuement attendue, fruit d’un travail collectif, patient et ancré dans la réalité guadeloupéenne.

 

 

Trois modules, une logique pédagogique

 

Durant le stage, la juriste déroule devant eux, les premières diapositives : cadre légal, définitions, peines encourues. Le stage débute par le droit, la loi du 13 avril 2016, celle qui a fait de l’achat d’un acte sexuel une infraction. Comprendre les mots de la justice, ses règles et ses limites : c’est le premier pas vers la prise de conscience.

 

Puis, le ton change. Le second module invite à regarder au-delà du texte de loi. Les échanges deviennent plus personnels, plus concrets. On parle des conséquences humaines et sociales de la prostitution : la santé, la souffrance, la solitude. On évoque aussi l’impact sur la société guadeloupéenne : l’économie souterraine, la désorganisation familiale, la montée de la violence, les trafics, la traite. Peu à peu, les stagiaires mesurent l’ampleur d’un système qu’ils pensaient anodin.

 

La journée s’achève sur un temps collectif, plus libre. Un juriste et un travailleur social animent la discussion. Les mots se délient, les certitudes vacillent. Certains se défendent encore, d’autres interrogent leurs propres représentations. Ce moment de dialogue, sans jugement, devient souvent le plus marquant.

 

« La singularité du stage, c’est qu’il se base sur la réalité de notre territoire », expliquent Audrey Luperon et Audrey Montantin, responsable d’établissement au SCJE Guadeloupe. « Comprendre la loi, c’est bien, mais comprendre les réalités humaines et culturelles permet un véritable changement de comportement. »

 

Ici, la pédagogie s’appuie sur le vécu, sur le concret. L’approche juridique trace les limites, l’approche psycho-sociétale ouvre les consciences. Ensemble, elles transforment peu à peu le regard que chacun porte sur ses actes , et sur les autres.

 

 

Les participants face à la réalité

 

Dès les premières minutes de la session, un malaise palpable envahit la salle. Les stagiaires réalisent peu à peu que ce qu’ils percevaient comme un simple échange — « une passe avec une personne prostituée » — n’était pas juste une transaction. Jusqu’alors, il s’agissait d’une prestation de services, rémunérée en argent, en promesse de rémunération ou en avantage en nature, sans jamais remettre en question que cette « prestation » impliquait la vente d’une partie du corps d’un être humain, touchant à sa dignité.

 

Très vite, les premiers retours confirment l’impact de cette prise de conscience. Certains se disent surpris par l’ampleur des conséquences de leurs actes, sur la personne concernée mais aussi sur la société guadeloupéenne. D’autres admettent qu’ils avaient déjà réfléchi à leurs comportements — tous ayant été appréhendés en situation de flagrance — mais qu’ils ignoraient que leurs actes étaient désormais pénalisables.

 

L’une des voix se lève, tremblante mais sincère : « Je n’avais pas conscience de ce que j’avais fait, ni de la souffrance que cela entraînait. J’aurais voulu suivre ce stage plus tôt. »

 

Au fil de la journée, la réflexion s’installe. Certains participants demandent s’ils peuvent revenir pour approfondir leur compréhension de la prostitution et poursuivre leur remise en question. Grâce aux échanges et à la discussion encadrée par les professionnels, ils comprennent également pourquoi ils avaient eu recours à la prostitution à certains moments de leur vie.

 

 

Prévention et perspectives

 

Le stage se déploie comme un dispositif à la fois préventif et répressif. Il offre aux clients un temps pour réfléchir à leurs comportements avant toute récidive, tout en s’inscrivant dans la lutte contre le proxénétisme et la prostitution de mineurs.

 

« La première étape, c’est la sensibilisation. Comprendre avant de punir davantage. Ensuite, on pourra envisager d’aller plus loin », confie Audrey Luperon dans son interview à Radio Caraïbes International.

 

Les semaines à venir s’annoncent riches en actions concrètes. Début octobre 2025, le stage sera mis en lumière lors d’une médiatisation au siège du tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre, afin de montrer l’importance de ce dispositif dans la réponse pénale.

 

Le 14 octobre, les services enquêteurs du commissariat de Pointe-à-Pitre seront formés et sensibilisés à la poursuite des infracteurs, pour que la prévention et la sanction se conjuguent sur le terrain. Parallèlement, une conférence débat sera organisée pour aborder la prostitution en Guadeloupe et la pénalisation des clients, impliquant un public élargi de professionnels et d’acteurs locaux. Et la prochaine session du stage promet d’être encore plus percutante, avec le témoignage d’une ancienne prostituée sortie du circuit guadeloupéen, apportant un regard direct, humain et sans filtre sur ce que vivent les personnes concernées.

 

Ce dispositif, développé en Guadeloupe, s’inscrit dans une réflexion plus large sur la prévention, la responsabilisation et l’accompagnement des personnes prostituées, en cohérence avec les orientations nationales.

 

Le SCJE tient à remercier le parquet et toutes les associations partenaires pour leur engagement et leur mobilisation.

 

« Responsabiliser les clients, c’est aussi protéger les personnes prostituées et leur redonner des perspectives », conclut Audrey Luperon.

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