Ecouter pour reconstruire : au cœur du Service d'Aide aux Victimes
29/09/2025
Bonjour à tous, aujourd'hui on se retrouve dans le deuxième épisode des Chroniques de Sarah : entre récits de vie et missions engagées. Lors du premier épisode je m'étais rendue au Tribunal afin de suivre les missions des enquêteurs socio-judiciaires, au plus près des mis en cause. Dans cet épisode, on change de spectre et on découvre ensemble l'Aide aux Victimes...
***
Un homme entre dans le petit bureau dans lequel je me trouve. Véronique Huart, juriste au sein du SCJE de Douai l'accueille. Cet homme s'assoit, sa langue se délie, nous livrant son histoire. Véronique l'interrompt, le temps s'arrête un instant, l'homme nous regarde : "Monsieur, nous allons revenir sur les faits dans une minute mais j'ai une première question pour vous, comment allez-vous ?"
Depuis mon arrivée au SCJE, on me parle beaucoup de la prise en charge des auteurs, de nos dispositifs d'accompagnement pour les guider dans un processus de justice plus adapté à leur individualité et prévenir de leur récidive mais finalement, que dire des victimes ?
C'est la question que le SCJE s'est posé. Celle-ci est primordiale car les victimes, bien souvent délaissées par la justice ont besoin d'être accompagnées, orientées mais surtout écoutées.
Pour répondre à ce questionnement et comprendre le dispositif d'aide aux victimes, je me suis rendue à Douai.
Assise dans la salle d'attente de l'hôtel de police, j'attends Chloé Szcepaniak, intervenante sociale du SCJE déployée ici. Nous nous sommes données rendez-vous afin que je comprenne davantage ses missions au sein d'un hôtel de police. Me tendant son flyer, Chloé m'explique "mon rôle est d'accueillir, d'écouter et d'orienter les victimes qui se présentent au commissariat". Il s'agit d'un travail collaboratif avec les agents. "Ce secteur est très masculin, comme tu as pu le constater mais j'ai réussi à démontrer à mes collègues que nous avions des rôles complémentaires. Ils prennent les plaintes, mènent les enquêtes et moi j'apporte le côté humain dont ils ont besoin. Orienter vers les bons organismes, assurer une prise en charge rapide, faire le point sur les procédures sociales mises en place pour chacun, créer des déclics, et notamment pour les victimes de violences intra familiales, et préconiser les accompagnements adaptés, c'est ma mission de tous les jours."
"Aucune de mes journées ne se ressemblent", me dit-elle à l'instant où l'une de ses collègues entrent dans le bureau pour nous informer qu'une victime de violences conjugales vient d'arriver. C'est une course contre la montre qui commence car il s'agit d'un flagrant délit. Chloé recueille les informations personnelles sur la victime, évoque les faits, dresse le portrait social de cette dernière, lui demande si elle peut se rendre chez un proche. Puis la victime est entendue par la police qui enregistre sa plainte. Chloé l'a bien compris, elle doit trouver une solution d'hébergement pour la victime et son enfant, le plus rapidement possible...
L'après-midi je me rends au bureau d'aide aux victimes (BAV) sur l'établissement de Douai. Grâce au partenariat mis en place avec la fédération France Victime et soutenu par le Ministère de la Justice, le Département du Nord et le FIPD, l'établissement de Douai et de Mayotte proposent ce type de dispositif. C'est dans ce cadre que je retrouve Véronique, d'un naturel jovial elle m'explique que cela fait maintenant une vingtaine d'années qu'elle apporte son regard de juriste au sein du BAV et du Service d'Aide aux Victimes. En collaboration avec Fabienne, psychologue au sein du SCJE de Douai, elle établit une enquête sociale sur la victime qui sera transmise au Parquet. Son rôle consiste aussi à informer les victimes sur les étapes de la procédure judiciaire en cours, les aider à manœuvrer dans ce secteur pouvant paraître complexe pour le commun des mortels, donner des outils juridiques et sociaux pour que les victimes ne se sentent pas seules et surtout leur apporter une écoute attentive, dépourvue de jugement.
Vers seize heures, nous accueillons une victime de violences conjugales. Il s'agit d'un homme. Car bien que marginal dans les chiffres, ils représentent une part des victimes de violences conjugales. Véronique s'intéresse d'abord à sa situation personnelle et fait le point sur sa santé mentale "est-ce que vous dormez bien, est-ce que vous êtes entouré, est-ce que cette situation entrave le déroulement de votre vie actuelle". Puis, elle passe aux faits. Contrairement aux enquêtes sociales renforcées, Véronique a accès au procès verbal. Revenir sur les faits c'est aussi permettre à la victime d'avoir un espace de parole si elle le souhaite, se libérer de son passé, et évaluer les répercussions sur sa vie actuelle. Véronique agit comme une oreille attentive et profondément humaine, redonnant son importance à la place de la victime dans les procédures pénales. "Presque une vocation mais surtout un métier de passion", me disait-elle, un moyen aussi de représenter des victimes qui ne sont plus, qui, disparues n'ont pas eu l'opportunité de raconter leur récit, leur histoire et les conséquences parfois dramatiques des actes qu'elles ont subies.
Le Bureau d'Aide aux Victimes, tout comme les intervenants sociaux déployés au sein des commissariats et des gendarmeries, ont une mission cruciale : apporter l'aide nécessaire pour que les victimes soient entendues et disposent d'un soutien juridique et émotionnel pour se reconstruire. Finalement ce sont des personnes passionnées qui travaillent main dans la main pour le bien-être commun. Un exemple une nouvelle fois d'engagement de la part de nos collègues du SCJE, porteurs de missions pleines de sens.