De l'Enquête Sociale Renforcée à l'audience...
10/09/2025
Bonjour à tous, moi c'est Sarah. Je suis arrivée au sein du SCJE en tant qu'Assistante marketing et communication. Je profite de mon intégration afin de lancer une nouvelle série d'articles, une série qui vous emmènera au sein de mes immersions métiers, à la rencontre de collaborateurs, de justiciables et d'un secteur aussi fascinant que peut être celui d'une association socio judiciaire.
Le but ? Vous embarquer avec moi dans ce cheminement riche en apprentissages, dépeignant à la fois d'un œil neuf les actions du SCJE ainsi que les personnes contribuant à l'individualisation de la décision de justice et la prévention de sa récidive.
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Des sourires, des sanglots étouffés, des voix chuchotées s’élèvent dans la salle d’audience à l'issue des jugements rendus par Madame La Présidente. Des verdicts attendus par certains, étonnants pour d’autres, mais surtout des décisions de justice prises à la suite d’un travail approfondi de la Cour, des magistrats évidemment, mais également des travailleurs de l’ombre, les enquêteurs socio-judiciaires du Service de Contrôle Judiciaire et d’Enquêtes (SCJE).
Ils m’ont récemment ouvert leurs portes et je vous partage aujourd’hui leur quotidien empreint d’objectivité, de méticulosité, et d’humains, finalement.
Au petit matin, devant le Tribunal Correctionnel de Lille tout semble calme vu de l’extérieur. A l’intérieur, c’est une autre histoire. Des robes noires et blanches s’activent dans tous les sens se mêlant aux travailleurs sociaux, tout ça formant un ballet silencieux. A l’étage et se suivant les uns à côté des autres, les bureaux du SCJE sont déjà ouverts. J’entre, Sabrina Heutte, enquêtrice socio-judiciaire m’accueille d’un large sourire.
Sabrina HEUTTE, Enquêtrice de personnalité I Déléguée du Procureur de la République
Après une rapide présentation du fonctionnement du service, nous descendons au poste de Police. Les geôles ne sont pas si surprenantes finalement. Les séries policières m’auront au moins préparées à cette vision pour le moins inhabituelle. Nous nous installons dans un bureau, le premier mis en cause se présente. Au cours d’un échange mené par des questions autour de sa personne, nous comprenons rapidement la personnalité de l’accusé. Les faits ? Ils ne nous intéressent pas. Le SCJE est mandaté par le Parquet afin de dresser le portrait du mis en cause dans le but d’aider les magistrats dans leur travail futur, c'est ce qu'on appelle une ESR, une enquête sociale renforcée. Pour les avocats, il s’agit d’un gain de temps indéniable et surtout lors de comparutions immédiates, comme cela a été le cas de la personne face à moi ce matin. Pour les juges, c’est un moyen d’en savoir plus sur le prévenu, de nuancer les décisions de justice en tenant compte de sa situation personnelle.
Une fois les entretiens terminés, nous remontons au sein des bureaux du SCJE. Ce matin nous avons rencontré trois détenus aux parcours différents, des histoires de vie, des histoires factuelles empreintes d'humilité. Nous passons maintenant à la vérification des informations recueillies car bien que certains détenus soient loquaces, les enquêteurs du SCJE réalisent avant tout une investigation sur laquelle les magistrats pourront s’appuyer. “Nous avons une obligation de moyens” m’a confié Sabrina, “nous mettons tout en œuvre afin de recueillir les informations nécessaires à l’individualisation de la décision de justice”. Avec les proches des mis en cause, nous confirmons et affinons les données récoltées, leur passif, leur vie actuelle, leur profession, leur entourage ou encore leurs habitudes de consommation.
Après avoir passé une dizaine d'appels, nous clôturons les rapports envoyés aux magistrats afin de préparer les audiences qui se tiendront dans l’après-midi. L’envoi de ces rapports nous indiquent également qu’il est temps pour nous d’aller se restaurer.
Après le déjeuner, je retourne au Tribunal. Je vais assister aux comparutions immédiates. Madame La Présidente entre en salle d’audience. L’assemblée se lève. Le premier accusé se présente à la barre et l’audience débute. Après être revenue sur les faits, Madame La Présidente s’adresse au mis en cause, s’engage alors un échange entre le prévenu et la justice. L’enquête sociale renforcée de ce matin se révèle particulièrement utile tant pour Madame La Présidente qui revient sur les informations recueillies lors de l’évocation de la personnalité du mis en cause que par l’avocat qui rebondit sur certaines données : “Madame La Présidente, l’enquête sociale renforcée a permis de mettre en évidence l'existence d'un foyer stable au sein duquel mon client pourra respecter le DDSE*, la mesure alternative à l’incarcération que je préconise.”
Après une dizaines de prévenus entendus, l’audience est suspendue. Les magistrats vont prendre leurs décisions.
Quelques minutes après, les conclusions tombent, dans un mélange de soulagements et de déceptions. Pour chacun, une réponse, unique, humaine et réfléchie.
Finalement, voici à quoi ressemble une journée auprès des enquêteurs socio-judiciaires du SCJE. Une parmi tant d'autres, où leur travail discret mais fondamental permet à la justice de juger non pas seulement des faits, mais des faits rattachés à des individualités.
*DDSE : détention à domicile sous surveillance électronique